Le patron de Pathé revient dans Le Figaro sur la sortie limitée les 23 et 24 avril du récent Oscar du meilleur film et partage ses réflexions sur la nouvelle chronologie des médias et la place des plateformes.
Après avoir séduit Hollywood, Coda va avoir les honneurs du grand écran en France, terre natale de ses producteurs et du film dont il est le remake, La Famille Bélier. Diffusée depuis août 2021 sur AppleTV+, la comédie signée Sian Heder va bénéficier d’une sortie salle limitée les 23 et 24 avril, dans plusieurs salles de l’Hexagone, dont Les Cinémas Pathé Gaumont, CGR, Grand Écran, Kinepolis ainsi que d’autres sits indépendants comme L’Arlequin et Les 5 Caumartin à Paris, Le Star à Strasbourg, Le Casino à Antibes ou Le Pont des Arts à Marcq-en-Barœul. Environ 270 séances sont pour l’instant organisées – 144 le samedi et 126 le dimanche, majoritairement dans les sites Pathé Gaumont – d’après les données du Showtimes Dashboard de The Boxoffice Company (maison mère de Boxoffice Pro).
Comment une telle opération a pu aboutir ? Depuis le 28 février et une modification du code du cinéma, les conditions entourant le visa temporaire ont évolué. Désormais, deux cas de figures sont possibles. D’une part, un visa délivré pour la programmation d’une œuvre sur 30 séances maximum – 100 pour les documentaires – sans limitation de durée. D’autre part, pour la programmation d’une œuvre sur 500 séances maximum pour une durée de deux jours d’une même semaine cinématographique ; l’option choisie pour sortir Coda.
La salle, une devanture pour les plateformes ?
À travers cette sortie limitée, il s’agit d’honorer un film qui a reçu l’une des récompenses les plus prisées de l’industrie cinématographique, confie-t-on chez Pathé Films. « Je pense que ce film, qui est le remake d’un succès français, produit par des Français, oscarisé à Hollywood, doit sortir en salle. Les plateformes américaines sont très pragmatiques. Elles ne s’opposent pas forcément à cela. Au contraire, je pense que, demain, la salle sera pour elles une véritable devanture. Car l’intense compétition à laquelle elles se livrent les force à se préoccuper de la promotion de leurs œuvres et les salles sont là pour leur offrir un véritable écrin », souligne Jérôme Seydoux, PDG de Pathé, dans Le Figaro lundi 18 avril.
« Quand nous avons décidé de produire ce long-métrage avec Philippe Rousselet, c’était pour le sortir en salle dans le monde entier. Mais la crise est arrivée et les salles ont fermé. Dès lors, Apple TV+ nous a fait une offre que nous ne pouvions pas refuser », dévoile Jérôme Seydoux. Suite à cette acquisition réalisée dans la foulée de la présentation de Coda au Festival de Sundance et après les trois Oscars raflés en mars, la plateforme avait vu bondir son nombre d’abonnés de 25 %.
De fait, le patron de Pathé, et, à ce titre, à la tête du plus gros circuit d’exploitation cinématographique français, dénonce, toujours dans Le Figaro, une chronologie des médias qui « peut se révéler contre-productive » face aux évolutions des fenêtres de diffusion à l’étranger. « Demain, les plateformes choisiront de sortir en salle quelques films pour une fenêtre d’exploitation réduite de 30 à 60 jours, car ils ont besoin de mettre en valeur leurs productions. C’est un peu comme le secteur du luxe qui, bien que l’e-commerce prospère, n’imagine pas se priver de ses magasins flagship. »
Un contexte qui nécessitera de privilégier davantage la qualité à la quantité pour Jérôme Seydoux. « En France, il n’y a pas assez de talents pour produire 340 films par an. Nous ferions mieux d’en produire moins mais de meilleure qualité, et le CNC devrait arrêter de saupoudrer les aides pour davantage les concentrer. » Et dans un marché qu’il anticipe autour des 160 millions d’entrées annuelles, l’un des parrains du cinéma français veut croire que « les spectateurs voudront bien revenir chez nous s’ils trouvent du confort. […] Forcément, les prix augmenteront pour accompagner cette montée en gamme » des équipements.
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