Initié il y a 15 ans aux Pays-Bas et soutenu par Europa Cinemas, le programme d’abonnement Cineville s’étend désormais à la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche et prochainement la Suède.
Les modèles d’abonnement au cinéma se développent à travers l’Europe. Outre l’attractivité du prix et la fidélisation des spectateurs, ils permettent aux salles art et essai de consolider leur communauté de cinéphiles, en s’appuyant sur la collecte de data, le ciblage marketing et des campagnes de communication d’ampleur.
Un modèle réplicable
L’expérience des uns enrichit les projets des autres. En place aux Pays-Bas depuis 15 ans, le programme Cineville a pu conforter les lancements en Belgique, Allemagne, Autriche et Suède, où l’initiative s’apprête à être déployée à partir de mars prochain. « Nous avons encore beaucoup à apprendre des autres modèles d’abonnement en Europe », témoigne Samir Azrioual, directeur général de Cineville au Pays-Bas. Si la Covid a beaucoup contribué à démocratiser le modèle d’abonnement – notamment à travers ceux proposés par les plateformes SVOD –, la formule Cineville s’appuie sur la collaboration de cinémas indépendants réunis en collectif ; avec le triple enjeu de fidéliser le public existant, attirer les jeunes et favoriser la diversité.
Chaque cinéma peut ainsi s’appuyer sur un logiciel de gestion à intégrer au sein de son propre logiciel de caisse. Les chartes graphiques, opérations marketing, site internet, application, modèles de formation pour les équipes ou encore le process de souscriptions sont aussi mis en commun. À l’instar des cartes illimitées françaises, l’abonnement Cineville permet un accès à tous les films et séances des salles partenaires, les recettes étant ensuite remboursées au cinéma en fonction d’un tarif de référence fixé en commun et moyenne des frais de fonctionnement d’environ 10 %. Pour Cineville Pays-Bas, qui rassemble aujourd’hui une communauté de 58 cinémas et 94 000 abonnés, le tarif de référence n’a cessé d’augmenter au fur et mesure de l’accroissement des “encartés”, et est désormais de 9,25 € – contre 12 € pour le billet moyen – ; à titre de comparaison, Cineville Allemagne démarre le programme à 6 €. Le seuil d’autonomie financière se situe, en fonction des pays, entre 10 et 15 000 adhésions.
Encore et toujours les jeunes
« Il faut sans cesse veiller à la proportion de jeunes abonnés – 50 % ont moins de 35 ans –, car non seulement ils sont le public de demain, mais leur curiosité ainsi forgée permet aussi de développer la diffusion de la diversité », estime Samir Azrioual. Il est ainsi primordial de continuer à investir massivement dans la communication digitale, avec un fort travail d’éditorialisation, ce qui permet également de soutenir les distributeurs dans la promotion de leurs titres les plus risqués. Pour cela, des tarifs incitatifs pour les jeunes sont particulièrement efficaces, avec en Autriche un abonnement mensuel à 8,50 € pour les jeunes (contre 23,50 € pour les adultes) constituant ainsi la majorité des abonnés. Mais attention, le succès réside aussi dans la variété des profils, au sein desquels les plus de 40 ans permettent un appui financier stable.
Des démarrages encourageants
En Allemagne, le programme a été lancé en août dernier, au sein de grandes villes étudiantes pour commencer (Berlin, Hambourg, Cologne, Nuremberg, Freiberg) à travers 30 cinémas. Le tarif proposé est de 22 € par mois pour les 18/25 ans (24 € au-delà), avec un engagement minimum de 4 mois. Le programme compte déjà 2 000 abonnés et Mijam Hass annonce qu’avec 20 cinémas supplémentaires, répartis au sein de 10 villes, les 5 000 seront atteints en mars prochain. La coordinatrice note que les efforts ont été particulièrement portés sur l’expérience spectateurs, en veillant à une communication claire et un support-client opérationnel dès le départ : « les abonnés nous ont fait confiance, nous ne voulons donc pas les décevoir ». Elle souligne l’importance d’une installation technique fonctionnelle pour un processus d’achat sans accroc.
Les chiffres en Autriche sont tout aussi convaincants. Anna Haartweger, du Kiz RoyalKino, qui a créé le programme parallèle Non-Stop Kino, rejoindra bientôt le réseau Cineville composé de 18 autres cinémas. Au niveau national, les préventes atteignaient déjà 1 200 abonnés en une semaine et 7 500 deux ans plus tard.
En Suède, où la reprise post-crise sanitaire est plus difficile, « la mise en place d’une formule de cinéma illimité relève de l’urgence », affirme Katrina Mathsson, responsable marketing de Cineville Suède, insistant sur l’absolue nécessité de reconquérir les jeunes spectateurs. Tous les feux sont au vert pour le projet, qui a obtenu le financement d’Europa Cinemas mais aussi du Swedish Filminstitut. En mars, la carte illimitée sera lancée au sein de 16 cinémas répartis dans cinq villes, avec une campagne de promotion lors du festival national de Gothenburg. Si la responsable marketing confesse son anxiété, elle s’émeut de « construire une communauté d’amoureux du cinéma, sur le plan national mais aussi international. C’est une chose merveilleuse ».
Article paru dans le Boxoffice Pro du 18 décembre 2024.
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