Le rôle culturel, économique et social des cinémas en Europe

Sebastian Naumann, délégué général de la Cicae, et Laura Houlgatte, CEO de l’Unic, lors de la réunion Europa Cinemas à Cannes le 19 mai

Au lendemain des élections européennes et à une semaine de la convention CineEurope, le réseau Europa Cinemas, la Confédération internationale des cinémas art et essai (Cicae) et l’Union internationale des cinémas (Unic), publient conjointement un rapport qui met en avant, au-delà des films et du box-office, la place des salles dans la société.

La sortie cinéma est l’une des activités les plus populaires en Europe, qui rassemble les communautés, joue un rôle éducatif, tout en restant le pilier de l’industrie audiovisuelle et un acteur de l’économie en général : c’est ce qu’on voulu réaffirmer les trois principales organisations internationales de salles – en majorité européennes –, à travers un rapport réalisé avec Omdia*. Comme il avait été annoncé à Cannes lors de la réunion Europa Cinemas, Box Office and Beyond : l’impact culturel, social et économique du cinéma se veut « une lettre de bienvenue aux nouveaux membres du Parlement européen élus le week-end dernier et un outil d’information pour les décideurs politiques du monde entier », en rappelant ce que représentent les cinémas dans nos sociétés, et en particulier les salles art et essai, en terme de diversité et de chiffres.

Ainsi en 2023, malgré les changements d’habitudes et l’inflation générale, les salles européennes ont enregistré près d’un milliard d’entrées, se rapprochant du pic de 1,36 milliard atteint en 2019. Comme l’a montré le bilan de l’Unic, chaque pays suit un chemin différent vers la reprise, selon la structure de son marché mais aussi sa production locale. Pourtant, et sans ignorer les défis auxquels les cinémas sont confrontés, Omdia prévoit que tous les marchés se seront rétablis d’ici 2025/26. Et il n’est pas anodin de signifier aux gouvernements le poids économique des 12 300 cinémas d’Europe, qui créent des emplois – près de 100 000 salariés rien qu’en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni –, achètent des biens et des services et paient des impôts. Sans oublier que la sortie cinéma en entraîne d’autres, au bar, restaurant ou autre lieu culturel**.
Le cinéma occupe aussi une place centrale dans l’économie des nouveaux médias, la salle restant la meilleure rampe de lancement pour les films, grands et petits. Ceux qui ont bénéficié d’une exclusivité en salle sont plus performants sur les fenêtres suivantes, et ceux étant sortis dans plus d’un territoire sont généralement disponibles sur davantage de plateformes de VOD, selon une étude récente de l’Observatoire européen de l’audiovisuel. Pour les ayant-droits, le grand écran est le principal créateur de valeur… et notamment parce que ses revenus et le nombre d’entrées sont transparents. 

Des lieux de rencontre et de culture qui évoluent

Bien sûr, le 7e art est un élément culturel essentiel. En Europe, 2022 a été une année record pour la production de films, qui reflètent à la fois les cultures nationales et ouvrent sur le monde. Le parc de salles, plus important que dans d’autres d’autres régions du monde, permet à cette diversité de trouver son public… et au public de se retrouver. Lieux de rencontre, les cinémas contribuent aussi à la vie démocratique en invitant au débat, qu’il s’agisse de questions globales ou locales, éduquent autant qu’ils divertissent, à tous les âges de la vie. Et ce d’autant plus qu’ils sont souvent, notamment en milieu rural, le seul lieu de culture accessible. Le succès du hors-film – retransmission de concerts et spectacles – a montré que la programmation des cinémas évolue et peut aussi aider les gens à accéder à d’autres disciplines artistiques. 
Face à l’offre domestique qui progresse, les cinémas investissent en effet autant dans l’événementiel et les animations que dans les technologies. Les formats premium, pour valoriser le grand écran, mais aussi la billetterie en ligne – avec l’utilisation des données qu’elle permet à des fins marketing ou de programmation –, ou les programmes de fidélisation contribuent à moderniser une expérience… que rien ne remplace. 

Pour une expérience… qui rend heureux !

Car la multiplication des médias ne se substitue pas au grand écran, mais le complète. Des études montrent que le spectateur moderne, notamment les jeunes consommateurs de jeux vidéo et de streaming, sont aussi, proportionnellement, ceux qui vont le plus au cinéma. Et pour les spectateurs en général, la salle reste l’endroit où l’on découvre un film pour la première fois, collectivement. 

Face aux nouveaux modes de diffusion, il est clair aujourd’hui que les cinémas ont besoin des films, mais aussi que les films ont besoin des cinémas. Et s’il fallait encore convaincre du caractère unique de l’expérience salle, un rapport de la BBC a révélé que nous sommes 33 % plus concentrés lorsque nous regardons un film sur grand écran que sur un petit… et que pleurer pendant un film produit de l’ocytocine, une hormone associée aux sentiments d’empathie et de compassion. Et si le cinéma, c’était tout simplement le bonheur ?

Le rapport dans son intégralité (en anglais)

*Omdia, cabinet britannique spécialisé dans l’analyse des marchés de la technologie
**Une étude réalisée en Belgique par Vertigo pour le compte de Cinedata en 2018-2019 montre que 33,5 % des spectateurs ont combiné une sortie au cinéma avec une autre activité de loisirs.

Sebastian Naumann, délégué général de la Cicae, et Laura Houlgatte, CEO de l’Unic, lors de la réunion Europa Cinemas à Cannes le 19 mai

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