Le pass Culture examiné par l’IGAC

© Ministère de la Culture

Missionné par le ministère de la Culture, l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) relève une utilisation contrastée de la part individuelle du pass, et une capacité “incertaine” à transformer les pratiques culturelles des jeunes. Le rapport formule 10 recommandations.    

Alors que le pass Culture connaît un réel succès – plus de 3,4 millions de jeunes en ont bénéficié depuis sa généralisation en 2021 – il importe pour l’Etat – actionnaire à 70 % de la SAS pass Culture, avec la Banque des territoires à 30 % –  d’en évaluer l’impact, tant sur les pratiques des jeunes que sur les institutions culturelles et collectivités qui les accompagnent. Pour rappel, le pass Culture repose sur une appli mobile de géolocalisation et permet aujourd’hui aux jeunes âgés de 15 à 18 ans de bénéficier d’un crédit individuel de 380 € et d’un crédit collectif de 170 €, utilisable sous la responsabilité d’un enseignant.

Le rapport de l’IGAC publié le 16 juillet constate d’abord que le taux de recours au dispositif, qui s’est ouvert progressivement aux ados dès 15 ans, a augmenté entre les générations nées en 2003 (73 %) et en 2004 (supérieur à 81 %). On note toutefois des écarts par rapport au recensement de la population, avec notamment une surreprésentation des habitants des ceintures urbaines (11 % contre 5 %) et seulement 8 % des bénéficiaires dans les “quartiers prioritaires”, sachant qu’y vivent environ 11 % des moins de 25 ans.
On relève aussi des variations territoriales, avec des taux plus élevés à Paris (98 % contre 73 % en moyenne nationale pour la génération née en 2003), en Haute-Garonne (89 %), en Gironde (86 %), en Indre-et-Loire (86 %) et dans le Rhône (85 %), mais particulièrement bas à Mayotte (4 %), en Guyane (15 %), en Haute-Corse (39 %), en Lozère (48 %), en Guadeloupe (50 %) et en Martinique (50 %). 

Inégalités dans les offres… et dans l’utilisation

Entre l’été 2018 et 2023, 98,6 % des offres sur le pass étaient des livres (proportion passée depuis à 84 %), puis de la musique enregistrée (15 % des offres). Le cinéma ne représente que la moitié (53 %) des 1,4 % restants ! Les réservations effectuées sont elles aussi concentrées  : à 71 % sur les livres, puis à 18 % sur le cinéma, et très peu sur le spectacle vivant (1 %) et les musées (1 %). Logiquement, la perception du dispositif diffère selon les acteurs culturels : positive pour les salles de cinéma et les librairies, qui sont activement impliquées dans la programmation d’activités sur le pass, bien plus nuancée pour les festivals de musique ou le spectacle vivant. Les collectivités territoriales, elles, réclament davantage de données afin d’optimiser leurs politiques en faveur de la jeunesse.

Source : Ministère de la Culture – IGAC 2024

Un sondage, confié par l’IGAC à l’institut CSA, confirme aussi que les jeunes ont des pratiques culturelles qui restent corrélées avec leur origine sociale. Chez les répondants dont les parents sont diplômés de l’enseignement supérieur, 87 % ont téléchargé l’appli, alors qu’ils ne sont que 67 % quand leurs parents ont juste le certificat d’études. Et si les jeunes interrogés, qui s’en disent très satisfaits, estiment que le pass contribue à élargir leurs horizons culturels, l’étude montre pourtant qu’ils restent peu de temps sur l’application et l’utilisent majoritairement pour réserver des offres qu’ils connaissaient déjà.

Les recommandations de l’IGAC

Pour résumer, le rapport dresse cinq constats :

  • Les bénéficiaires du pass Culture, de plus en plus nombreux, sont satisfaits du dispositif.
  • Cependant, les impacts sur les pratiques culturelles des bénéficiaires du dispositif apparaissent contrastés.
  • La capacité du pass Culture à transformer les pratiques culturelles est incertaine.
  • Les impacts du pass Culture sur les institutions culturelles et les collectivités territoriales sont inégaux.
  • Enfin, les systèmes algorithmiques de l’application mobile et web à laquelle est adossé le pass Culture peuvent et doivent être améliorés.

Dix recommandations sont donc formulées, dans trois domaines, à mettre en œuvre en lien étroit avec le ministère :

  • Mieux documenter, enrichir et partager les données du pass Culture, y compris en mettant en place sans délai une interface de programmation d’application (API) permettant de transférer aux services du ministère de la Culture les données transactionnelles liées à l’utilisation du crédit de la part individuelle du pass Culture.
  • Amplifier les actions de médiation spécifiques, co-construites avec les lieux et les opérateurs culturels, pour certaines catégories d’offres peu réservées et jugées prioritaires de même que pour cibler certains publics plus éloignés.
  • Améliorer la performance de l’éditorialisation et du système algorithmique de l’application mobile et web.

Le rapport de l’IGAC dans son intégralité

… et les modifications voulues par la ministre de la Culture

Rachida Dati a réagi aussitôt aux préconisations de ce rapport, notamment sur ses réseaux sociaux où elle déclare que « le pass Culture est modifié afin d’en faire un véritable instrument pour diversifier les pratiques culturelles des jeunes et mieux lutter contre les déterminismes sociaux  ». La ministre de la Culture veut renforcer l’impact du pass :  « grâce à une cartographie géolocalisée de l’offre, des parcours de découverte et des recommandations adaptées aux divers publics ; grâce à un rééquilibrage de l’offre entre livres, spectacle vivant, musées… ; grâce à des actions culturelles construites avec les fédérations d’éducation populaire et les acteurs du champ social ; grâce à des informations relatives aux écoles d’art, aux métiers culturels et aux programmes d’égalité des chances ».
L’enjeu étant, pour la ministre, de « faire du pass Culture un véritable instrument d’émancipation et d’accès de tous et de chacun à la Culture ».

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