Après les aides annoncées à Deauville pour compenser les effets du passe sanitaire, l’audit publié par la Cour des comptes le 29 septembre a fait déborder le vase : le Bureau de liaison des organisations cinématographiques demande une répartition plus équitable entre les acteurs de la filière et une meilleure régulation de l’exposition des films en salles.
Pour les organisations du BLOC, les conclusions de la Cour des comptes, qui vient d’analyser les mesures de soutien au cinéma pendant la crise sanitaire, « corrobore de façon criante » leur analyse et les alertes qu’elles ont exprimées depuis de longs mois.
Le Bureau*, qui rassemble principalement des indépendants – producteurs, réalisateurs, distributeurs mais aussi exploitants –, estime en effet que si la crise a affecté l’ensemble du secteur, « les mesures ont bénéficié de façon disproportionnée aux exploitants de salles et tout particulièrement aux circuits, au détriment des autres segments de la filière ».
La Cour des comptes ayant relevé de son côté le poids très important du soutien versé par le CNC aux exploitants (65 %), le BLOC souligne un déséquilibre de 69 M€ au détriment de la distribution, de la production et des auteurs. « Nous constatons, dès lors, que les mesures en faveur des salles leur ont permis de couvrir leurs déficits sans assurer le moindre “ruissellement” vers les ayants droit, bridant la capacité de ces derniers de se projeter dans de nouveaux projets et d’investir dans la recherche et la découverte de nouveaux talents. » La Cour des comptes préconisait en effet que les aides soient davantage orientées vers les investissements d’avenir et la relance.
Et pour les organisations du BLOC, l’annonce de Roselyne Bachelot au Congrès le 28 septembre est le « dernier avatar d’une gestion de crise inéquitable ». La dotation de de 34 M€ visant à compenser la mise en place du passe sanitaire est en effet répartie à hauteur de 80 % pour l’exploitation et 20 % pour la distribution et la production.
Le BLOC déplore en outre que, malgré l’avis favorable de l’Autorité de la concurrence dans le contexte de la crise sanitaire, les pouvoirs publics n’aient pas donné suite à ses demandes de régulation de la diffusion des films en salles, « ni mis de conditionnalité aux aides conséquentes versées aux exploitants ». Une carence qui s’est traduite par « une surexposition des films dits porteurs ou américains au détriment du cinéma indépendant et de la diversité », et ceci alors que la tendance était à l’augmentation massive de l’offre de films à l’issue d’une fermeture prolongée des salles de cinéma.
Ainsi, le BLOC souligne que « les cinémas de plus de 6 écrans ont consacré entre 50 % et 65 % de leur capacité totale de vente au seul film Dune », avec 27 % des écrans qui lui étaient dédiés le soir de sa sortie, face aux 400 œuvres qui se partageaient l’affiche. « Les spectateurs sont privés d’accès à cette offre de films riche et diversifiée, à l’heure où le cinéma indépendant français n’a jamais autant rayonné dans les festivals internationaux. »
Bien que saluant l’engagement financier de l’État et la réactivité du CNC, « qui ont permis la survie de la filière », c’est donc bien l’inéquité de l’allocation des soutiens que décrient les organismes du BLOC, alertant sur le risque de voir, faute d’œuvres et/ou d’écrans disponibles, « disparaître des cinémas la diversité de l’offre cinématographique ».
Le BLOC demande donc instamment aux pouvoirs publics la mise en œuvre d’un plan de relance « prenant désormais la bonne mesure des besoins d’investissement des secteurs de la production et de la distribution et intégrant la situation particulière des auteurs, qui subissent un dommage important, tant moral que financier », et conditionnant les subventions allouées à l’exploitation au respect d’obligations d’exposition et de diversité des films proposés au public.
*Le BLOC regroupe l’ACID, le DIRE, le GNCR, le SDI ainsi que la Guilde Française des Scénaristes, Scénaristes de Cinéma Associés, la SRF, le Syndicat Français des Artistes Interprètes, le Syndicat Français des Agents Artistiques et Littéraires, le Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs, Syndicat des Professionnels des Industries de l’Audiovisuel et du Cinéma, le Syndicat des Producteurs de Films d’Animation, le SPI et l’UPC.
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