La Réforme du pass Culture questionnée au Sénat

Laurence Tison-Vuillaume, le 26 mars à la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat © Sénat

Comment concilier l’ambition de démocratisation du pass Culture et la baisse de son budget ? Doit-il être considéré comme un outil… ou un véritable acteur de la politique culturelle ? La nouvelle présidente de la SAS pass Culture, Laurence Tison-Vuillaume, a été interrogée le 26 mars par les sénateurs de la commission Culture. 

Si la réforme du pass Culture vise à en faire un “service public culturel”, selon les vœux de Rachida Dati, elle s’accompagne d’abord d’une baisse de l’enveloppe, qui passe de 210 à 170 millions d’euros. Et les premiers changements annoncés – montant réduit de moitié pour les 18 ans, bonus social de 50 € mais suppression de la part individuelle pour les 15-17 ans – qui s’ajoutent au gel de la part collective pour l’année scolaire en cours, suscitent inquiétude et incompréhension. En parallèle, la SAS pass Culture doit devenir cette année un opérateur de l’État – pour que celui-ci ait un droit de regard sur son budget et ses emplois – et faire évoluer sa gouvernance. Autant de mutations sur lesquelles Laurence Tison-Vuillaume, nommée à la tête du pass Culture le 1er février dernier, s’est exprimée au Sénat.

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Un « véritable acteur de la politique culturelle »…

La nouvelle présidente rappelle tout d’abord le succès du pass – sur le plan quantitatif, 5 millions de jeunes en ont bénéficié – qui a inspiré d’autres pays européens, notamment l’Allemagne et son Kulturpass, avec qui « nous allons coopérer sur une expérimentation transfrontalière ». Mais Laurence Tison-Vuillaume reconnaît certaines limites en matière de démocratisation culturelle. Si l’appli doit évoluer pour devenir un service de proximité – avec une géolocalisation fine, et davantage d’éditorialisation – la feuille de route générale est de faire du pass « un véritable acteur de la politique publique d’accès de tous les jeunes à la culture ». D’abord en ouvrant la gouvernance, notamment à des représentants de l’éducation populaire, du secteur du handicap et du monde associatif : tous ceux qui, sur le terrain, « sont au plus près des jeunes, pour qu’ils bénéficient d’une médiation non seulement numérique, mais aussi traditionnelle, en présentiel ». À cet effet, la présidente a annoncé un premier élargissement du comité stratégique « dans les tous prochains jours ». 

La transformation en opérateur de l’État cette année, avec pour horizon le budget 2026, doit permettre une meilleure articulation avec les politiques publiques culturelles et éducatives, notamment à travers un contrat d’objectif et de performance. Interrogée sur les coûts de fonctionnement de la SAS, Laurence Tison-Vuillaume assure de sa « vigilance extrême. Nous sommes une entreprise qui a besoin d’investir, comme tout acteur du numérique ». Dès lors, comment une entreprise peut-elle devenir un opérateur de l’État ? « La réflexion sur la structure juridique est en cours, répond la présidente de la SAS, le but étant de fédérer les forces et de lutter contre le cloisonnement. »

Quand les sénateurs la questionnent sur la réduction des montants alloués aux jeunes, la présidente explique que le pass Culture doit être considéré comme un parcours durable, « pour une montée en puissance progressive : d’abord avec les professeurs, puis avec les amis ou la famille, pour se poursuivre à l’âge adulte. C’est dans cette logique que la part individuelle a été repensée ». La majoration de 50 € pour les jeunes les moins favorisés est un « signal fort », mais la présidente reconnaît aussi qu’il faudra « aller chercher ces jeunes », qui sont les plus éloignés de la Culture.  

… et de l’Éducation ?

Reste que le terme “d’acteur” de la politique publique, pour ce que l’on définissait jusqu’à présent comme un “outil” ou un “dispositif”, semble pour le moins ambitieux. Le pass Culture doit-il notamment se substituer à l’Éducation artistique et culturelle (EAC), notamment à l’heure où certaines collectivités se désengagent ? Pour Laurence Tison-Vuillaume, faire du pass un “acteur” est fondamental, justement pour mieux travailler en partenariat avec les ministères concernés et les collectivités, qui ensemble investissent 3,6 milliards d’euros dans l’EAC. « Nous devons par exemple mieux partager la donnée, en devenant “un observatoire culturel ». »

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Sur la part collective, Laurence Tison-Vuillaume assure que « gel ne signifie pas arrêt, et pas un euro ne manquera à l’enveloppe initiale de 72 millions qui a été votée. Les projets pourront à nouveau être proposés à la rentrée et la plateforme Adage rouvrira en temps voulu. En amont, nous allons sécuriser le pilotage de la part collective avec le ministère de l’Éducation nationale ». Les problèmes de mobilité, qui s’ajoutent à la disparité géographique de l’offre, sont un réel obstacle en milieu rural : le pass Culture doit travailler sur ces sujets « cruciaux » avec les départements, et pouvoir informer sur tous les réseaux de transport. 

Quel référencement pour quelle offre ?

Alors que le référencement du Puy du Fou, quand certains musées attendent toujours d’être répertoriés sur le pass, a fait polémique, la question de l’offre culturelle a bien sûr été soulevée par les sénateurs. Les jeunes ont-ils besoin du pass Culture pour acheter des jeux vidéos et des mangas ? Faut-il encourager les abonnements aux plateformes américaines ? Pour la présidente, on peut difficilement resserrer l’offre quand « l’enjeu est de diversifier les pratiques ». Quant aux référencement de certaines structures, « nous utiliserons les textes réglementaires et les incompréhensions seront prises en considération ».

Des ajustements qui ne doivent pas faire oublier l’objectif premier du pass Culture : rajeunir les publics, tout en luttant contre les assignations sociales et culturelles. Et dans un monde de mutations profondes, Laurence Tison-Vuillaume réaffirme que « l’accès à la culture apparaît plus que jamais comme un bien commun public essentiel ».

Article paru dans le Boxoffice Pro n°489 du 2 avril 2025.

Laurence Tison-Vuillaume, le 26 mars à la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat © Sénat

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