Celui qui a dirigé le cinéma indépendant des Champs-Élysées pendant près d’un demi-siècle en avait fait un vrai lieu de vie et de culture, inspirant la profession bien au-delà de Paris.
Son nom est associé à celui du Balzac, que son grand-père avait ouvert en 1935 et dont Jean-Jacques Schpoliansky avait pris la direction après la mort de son père, en 1973, pour en rester 44 ans aux commandes. Avant cela, il avait d’abord travaillé chez UGC, comme assistant du directeur de l’exploitation et de la programmation et comme directeur des cinémas de Tours (le Majestic, le Palace et le Cyrano). Tout en étant, à 27 ans, régisseur adjoint pour Buñuel et René Clément.
Quand il reprend le cinéma familial en 1973, Jean-Jacques Schpoliansky doit faire face à la concurrence des grands circuits, Gaumont, Pathé, UGC et Parafrance. Si Le Balzac avait été longtemps la salle de référence des films français, dont il avait l’exclusivité sur les Champs Elysées – Les Vacances de monsieur Hulot, Les Tontons flingueurs, Casque d’or et plus tard À bout de souffle y ont fait leurs débuts –, la situation commence en effet à changer. « Quand je suis arrivé, j’ai essayé de comprendre la situation du Balzac qui n’avait alors qu’une seule salle », expliquait Jean-Jacques Schpoliansky dans les colonnes de Boxoffice Pro en 2017. Aussi, dès 1975, il équipe Le Balzac de deux nouvelles salles, plus petites, ce qui lui permet de varier sa programmation et de garder plus longtemps les films à l’affiche.
En 1980, le cinéma rejoint le réseau Olympic de Frédéric Mitterrand et obtient le classement classé art et essai. Jean-Jacques Schpoliansky en reprend la gérance quatre ans plus tard, et confie la programmation à Jean Hernandez, à l’époque dirigeant d’Océan Films. Mais autour d’eux, les cinémas des Champs-Elysées deviennent des multiplexes et les indépendants ont de plus en plus de mal à survivre. Dans ce contexte, Jean-Jacques Schpoliansky lance en 1993 d’importants travaux de rénovation : les salles sont refaites en conservant leur cachet originel, et un bar et un lieu d’exposition sont aménagés dans le hall d’accueil. Car l’exploitant a compris que les cinémas doivent devenir bien plus que des lieux de projection. « Alors que j’étais un incroyable timide, j’ai commencé à faire des présentations de films en salle pour prévenir les spectateurs que le Balzac risquait de fermer s’il n’y avait pas plus de public. J’ai animé mes salles en essayant d’apporter un plus dans l’accueil et les animations » expliquait en 1988 l’exploitant. Il organise aussi des concerts ou des soirées opéra, et va même plus loin en organisant des plateaux repas avec des chefs étoilés.
En 2018, celui qui a fait du Balzac ce qu’il est encore aujourd’hui, décide de passer la main et revend ses parts à son associé David Henochsberg du groupe Etoile Cinémas. Priscilla Gessati est alors nommée directrice du Balzac et poursuit l’œuvre de Jean-Jacques Schpoliansky, qui avait aussi été, comme elle aujourd’hui en tant que directrice de L’Entrepôt, président de l’association des Cinémas indépendants parisiens (CIP). Pour rappel, Le Balzac est actuellement dirigé par Corinne Honliasso.
Bien sûr, c’est bien au-delà de Paris que la profession pleure aujourd’hui celui qui a été un pionnier. Jean-Jacques Schpoliansky nous a quittés le 9 février à l’âge de 80 ans, et nous pensons spécialement à Wanda, sa fille et notre ancienne collègue.
Partager cet article