Les Rencontres nationales art et essai ouvrent, comme de tradition, les festivités de la croisette. Un rendez-vous incontournable, aussi bien cinéphile que politique. Alors que le CNC donne le coup d’envoi d’une concertation interprofessionnelle sur la réforme art et essai, Guillaume Bachy présidera sa première assemblée générale cannoise, après les sept années de mandat de François Aymé. Entretien avec le président de l’Association nationale des cinémas art et essai pour évoquer ses enjeux et sa feuille de route.
Vous avez été élu président en octobre dernier. Quel premier bilan peut-on tirer de ces six premiers mois ?
Je tiens d’abord à souligner le travail de François Aymé et le remercier pour son temps, son investissement et son énergie. Ses actions, internes et externes, ont vraiment été positives pour l’association qui est aujourd’hui plus forte que jamais. Notre bureau renouvelé est très engagé, le conseil d’administration dynamique et impliqué, tout cela avec une équipe compétente autour du délégué général David Obadia. Ensemble, nous co-construisons nos actions de façon collective et intégrée.
Et puis, nous ne pouvons que nous réjouir de la reprise du marché. Selon les dernières statistiques, les films art et essai du top 30 du premier trimestre 2023 réalisent 68 % d’entrées de plus que le comparable 2022 et la part de marché des salles classées est en progression de près de 20% par rapport à la moyenne 2017-2019 de la même période, soulignant l’excellente dynamique du marché art et essai. Alors que les salles ont souvent été attaquées pendant la crise, le cinéma reprend sa place de façon positive, grâce au nombre de films et parce que nous avons martelé que non, le cinéma n’est pas cher, non, le cinéma n’est pas une activité de riches, et que oui, venir au cinéma est une expérience exceptionnelle. Les gens en ont assez d’être seuls chez eux, ils ont envie de nouveautés de partage et de diversité qu’ils trouvent dans nos salles.
Les auteurs et cinéastes ont été brimés pendant la période de la Covid. Beaucoup de films qui auraient dû sortir en salle ont connu une carrière quasi inexistante sur plate-forme. Les cinémas jouent ce rôle-là : celui de faire connaître les cinéastes et leur permettre de rencontrer leur public. Apple a compris que c’était important en accompagnant Scorsese dans le plus grand festival du monde. C’est une valeur qui n’existe nulle part ailleurs. On n’a pas fait mieux que la salle pour la notoriété des œuvres.
Comment se profilent les rencontres nationales cannoises ?
Nous avons reçu plus de 950 inscriptions. Les salles adhérentes ont un vrai désir pour ce rendez-vous important. Ils savent qu’ils vont rencontrer l’équipe de l’Afcae, les administrateurs, voir des films et avoir des temps d’échanges politiques avec le CNC. Nous proposerons un temps de présentation de projets innovants, qui mettra en avant de nouveaux acteurs et de nouvelles pratiques dont les adhérents pourront s’inspirer. Les salles art et essai ne ronronnent pas. Au contraire, elles se projettent dans le XXIᵉ siècle et se saisissent de leurs propres enjeux d’animation, d’énergie, d’écologie et d’architecture. Pour ce faire, nous proposerons à nos adhérents d’actualiser nos statuts, à travers une assemblée générale extraordinaire, non seulement sur la possibilité du vote électronique, mais plus en profondeur, sur une nouvelle façon d’animer et d’administrer l’association. L’objectif est d’établir une plus grande représentativité des administrateurs et des décisions plus collectives, en somme, de rendre plus souple et plus simple la relation entre les adhérents et l’association.
Aujourd’hui, on ne parle plus de public jeune,
ni de public adolescent, mais de public 15-25. C’est devenu un marqueur.
Vous avez récemment manifesté votre désaccord avec la fin du Fonds jeunes cinéphiles, dont la dotation est injectée dans l’enveloppe art et essai globale. Quelles sont les conséquences d’une telle décision ?
Nous ne pouvons que le regretter. Au final, l’enveloppe art et essai diminue puisque qu’elle était de 18,4 M€ en 2022 et que cette année, elle sera de 18 M€, dont les 2 M€ incorporés du fonds Jeunes cinéphiles. Cette décision est un mauvais message : ce n’est pas parce que ce travail ressemble à de l’art et essai qu’il doit être intégré à l’enveloppe globale. Il s’agit d’une action, validée par l’ensemble de la filière, qui a rencontré un grand succès auprès du public visé. Aujourd’hui, on ne parle plus de public jeune, ni de public adolescent, mais de public 15-25. C’est devenu un marqueur intégré dans la politique des salles. Son arrêt au bout d’un an nous questionne au-delà de la déception de ne pouvoir dresser un bilan des actions menées et de les expérimenter dans d’autres salles. L’Afcae a siégé à la commission de sélection des dossiers, dont 212 ont été retenus sur 249 déposés avec une dotation moyenne de 10 000 €. Premièrement, nous avons constaté la qualité et la diversité des actions mises en place et la façon dont elles s’inscrivent dans les territoires. Ensuite, au-delà de la notion d’art et essai que nous défendons, nous pensons qu’il y a des croisements possibles avec tous les autres dispositifs mis en place, et qu’ils s’enrichissent mutuellement… Sans compter que certaines salles démarraient leurs actions avec des films grand public, et s’emparaient au fur et à mesure d’œuvres plus exigeantes.
Nous considérons qu’il faut continuer à travailler cette cible. Cela fait plus d’une quinzaine d’années que l’on cherche à faire revenir les jeunes en salle et nous sommes arrivés à maturité de notre réflexion. On ne va pas lâcher maintenant ! Nous continuerons à expérimenter ce projet avec notre comité 15-25 et nous espérons être soutenus dans cette démarche par le CNC.
Rapport Lasserre, réforme de l’art et essai, éducation à l’image, « marque » Afcae : retrouvez l’intégralité de l’entretien avec Guillaume Bachy dans le magazine Boxoffice Pro du 15 mai 2023.
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