Le pass Culture jugé sévèrement par la Cour des comptes

L’outil destiné aux jeunes coûte cher et ne remplit pas ses objectifs de démocratisation et de diversification des pratiques selon les juges, qui recommandent de transférer sa gouvernance au ministère de la Culture.

Dans son rapport publié le 17 décembre, la Cour des comptes dresse un bilan sévère du pass Culture, du moins de sa part individuelle, confirmant l’avis de l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac) formulé en juillet dernier. Si l’on s’approche de l’universalité sur le plan quantitatif – 84% des jeunes de 18 ans révolus ont téléchargé l’appli –, les objectifs de démocratisation et de diversification des pratiques sont plus difficiles à mesurer… et à atteindre. Sans surprise, les 16 % de jeunes n’ayant pas adhéré correspondent aux publics les plus éloignés de la Culture, et parmi les inscrits issus des classes populaires, seuls 68 % ont activé leur pass. Selon la Cour, « l’objectif d’inscrire un nombre maximum de jeunes a jusqu’à présent prévalu sur l’objectif de démocratisation », ce que pointait aussi la ministre de la Culture Rachida Dati en octobre

Peu de médiation, et pas assez de diversification 

Sur le contenu aussi, on a privilégié la quantité à la qualité des offres, « dont le nombre pléthorique de 36 000 montre l’absence de sélectivité ». Les juges notent ainsi un financement de 16 M€ pour des activités d’escape games – dont le ministère de la Culture a, depuis, demandé le déréférencement.
Sur le reste des pratiques, on sait que les livres représentent environ la moitié des montants dépensés par les jeunes, qui utilisent aussi le pass pour le cinéma (17 % des réservations) et la musique (8,6 %). Mais la sortie au théâtre, première réservation sur la part collective, ne représente que 1 % des réservations des jeunes sur la part individuelle. D’autant plus les grands opérateurs publics du spectacle, comme les musées, se référencent très peu sur le pass.

De plus, la société pass Culture n’est pas mandatée pour s’assurer de la qualité des offres, et ses outils de recommandations éditorialisées ou algorithmiques ont eu peu d’effet : 90 % des réservations se font à partir du moteur de recherche et non à partir des propositions poussées par l’application. Si le pass permet sans doute d’intensifier des pratiques déjà bien établies, « la médiation faiblement développée au sein de l’application ne permet pas de contrecarrer les inégalités structurelles préexistantes à l’accès à la culture », contrairement à la part collective « qui repose sur le travail de médiation des enseignants ».
Et quant le pass est expiré, seuls 37 % des jeunes continuent à fréquenter les lieux où ils allaient grâce à l’application. En réponse aux observations de la Cour, le ministère de la Culture et la société pass Culture s’engagent à rendre obligatoire, pour pouvoir bénéficier du pass, le questionnaire sur les pratiques culturelles initiales.

Nombre de réservations des dix offres les plus réservées sur le pass Culture depuis son lancement jusqu’à juin 2024. Joli résultat pour le cinéma, et deux circuits en particulier…

Des dépenses à maîtriser et une gouvernance à revoir

Au départ, le pass Culture devait être financé à 20 % par l’État et à 80 % par des ressources issues du secteur privé. Or en cinq ans, les fournisseurs d’offres n’ont contribué que pour 4 % du volume d’affaires. La dépense budgétaire pour la part individuelle, de 93 M€ en 2021, devrait être de 244 M€ en 2024, soit « la deuxième place parmi les structures financées par le ministère de la Culture après la Bibliothèque nationale de France », sans compter les 80 M€ de la part collective, financée par le ministère de l’Éducation nationale. Dans un contexte de finances publiques dégradées, la Cour recommande la réduction du crédit alloué aux jeunes de 18 ans – qui n’utilisent que 244 € en moyenne sur leurs 300 € – ou « le ciblage des bénéficiaires selon des critères sociaux ou territoriaux ».

De façon générale, « la gouvernance du pass Culture est à revoir en profondeur ». La Cour recommande ainsi de transformer « sans délai » la société pass Culture en opérateur de l’État, ce qui a été annoncé par le ministère de la Culture pour 2025. « À terme, l’internalisation des activités et agents de la société pass Culture au sein du ministère de la Culture permettra un meilleur pilotage du dispositif, ainsi qu’une meilleure information du Parlement et des citoyens grâce aux documents budgétaires annexés à la loi de finances. » 

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