Alors que la régulation, et notamment la réforme art et essai, est au cœur des débats à Cannes, ce bilan montre que les demandes de médiation sont redevenues aussi nombreuses qu’avant la crise sanitaire, formulées majoritairement par des exploitants, mais de plus en plus par des distributeurs indépendants.
« L’année 2023 a été marquée par la vitalité du cinéma : le retour à un niveau d’entrées antérieur à celui de la crise, une production élevée de films en France et une part de marché des films français plus que satisfaisante. Ce constat heureux, dont il faut se réjouir, recouvre une réalité plus contrastée et la médiation en est un bon baromètre », introduit Laurence Franceschini pour présenter son bilan. En effet, du côté du Médiateur du cinéma, le nombre de demandes est comparable à celui d’avant-crise : 73 demandes de médiation ont été formalisées au cours de l’année 2023, soit 29 de plus qu’en 2022 et un niveau équivalent à 2019. Le Médiateur a de plus reçu 102 demandes informelles d’intervention.
Difficultés croissantes des petits distributeurs indépendants
Pourtant, du côté de la distribution, les demandes de médiation augmentent clairement par rapport à 2019, passant de 20 % à près d’un tiers du nombre total de saisines. Et sur les 21 saisines de distributeurs, 19 proviennent de 12 structures indépendantes réalisant en moyenne moins de 700 000 entrées annuelles. Des petits distributeurs qui ont de plus en plus de difficultés à trouver des salles en sortie nationale, en particulier à Paris, et expriment aussi une dégradation des conditions d’exploitation de leurs films, tant sur le nombre de séances que sur le maintien à l’affiche au-delà d’une semaine.
Par ailleurs, Le Médiateur rappelle la grande difficulté que représente le traitement des saisines des distributeurs : il est en effet délicat d’imposer un film à un exploitant, ce qui implique pour lui l’abandon d’un autre film. Ainsi en 2023, seules 9 saisines de distributeurs sur 21 ont pu aboutir à un accord entre les parties.
Demandes des exploitants sur les films art et essai porteurs
Sur le nombre total de saisines, les exploitants restent majoritaires et 69 % d’entre eux sont art et essai. Contrairement aux demandes des distributeurs qui concernent des films art et essai “fragiles”, les demandes des salles portent surtout sur des films art et essai porteurs qu’ils souhaitent obtenir, alors qu’ils sont de plus en plus programmés dans les salles des grands circuits. La plus grande partie des demandes émane de la moyenne exploitation (58 %) et des grandes villes, mais cette proportion a baissé et la petite exploitation a aussi de plus en plus recours au Médiateur (38 % des demandes). On observe ainsi un bond des demandes en provenance des petites villes.
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Des demandes qui confirment, selon le Médiateur du cinéma, des tendances apparues ces dernières années, « liées tant à la fin des contributions numériques versées par les distributeurs rendant moins onéreux et moins sélectifs les plans de distribution qui s’élargissent, qu’aux crises énergétique et sanitaire qui ont encouragé une minimisation de la prise de risques pour des établissements cinématographiques à l’équilibre économique fragile. D’où des saisines croissantes de la médiation par des distributeurs ne trouvant pas ou peu de salles pour leurs films ».
Résultats des médiations
Sur l’ensemble des 73 demandes de médiation formulées en 2023, une solution a été trouvée (accord avant ou en réunion, injonction, recommandation, lettre du Médiateur) dans 70 % des cas. 20 situations n’ont pas permis de trouver de solution amiable ; 49 ont donné lieu à des réunions de conciliation, et 24 ont été closes sans qu’il ait été nécessaire de tenir une réunion. Concernant les « interventions informelles », qui ne vont pas jusqu’à la médiation mais sont une part importante de l’activité du Médiateur, il y en a eu 102 en 2023, contre 76 en 2022, et 93 demandes ont été traitées. Pour la moitié d’entre elles, le différend entre les parties a pu être résolu.
Dans la défense de la diversité cinématographique, la médiation s’est appuyé sur les évolutions en cours qui doivent se concrétiser cette année. « Ce sont bien sûr celles de la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, celles du rapport de M. Lasserre sur l’art et essai ou encore celles du rapport de M. Cluzel sur la distribution indépendante » rappelle Laurence Franceschini. Et pour elle, « leur concrétisation à la suite de la négociation conduite par le CNC, qui pourra remédier à l’asymétrie des médiations sollicitées par les distributeurs par rapport à celles demandées par les exploitants, sera un élément majeur de la régulation du cinéma au service du public et de la création. Elle contribuera également à redonner aux acteurs concernés plus de liberté dans le respect de leurs identités de programmation et de distribution. »
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