Les travaux du nouveau CinéAtlas Mauritania, réhabilitant un cinéma mythique de la troisième ville du Maroc, ont repris début septembre. Rencontre avec le directeur du circuit Pierre-François Bernet, également distributeur dans le pays.
« Il ne laisse personne indifférent », confie Pierre-François Bernet au sujet du Mauritania, qu’il a visité pour la première fois en 2016, au cours de son étude de marché pour son circuit CinéAtlas. Son acquisition de l’un des cinémas historiques de Tanger est actée trois ans plus tard, en 2019, avec l’ambition de « reproduire la transformation réussie que nous avions menée au Colisée de Rabat, pour rendre au Mauritania sa gloire d’antan ». L’enjeu est de métamorphoser ce qui était autrefois un immense mono-écran en un complexe moderne de 5 salles – le plus grand cinéma du circuit –, « avec une attention particulière portée à la conservation et la valorisation de l’architecture du bâtiment », propre au nord du Maroc, où se laisse entrevoir l’influence ibérique. En effet, depuis 2016, le Mauritania est inscrit au patrimoine matériel national ; une classification qui a naturellement imposé un cahier des charges à sa rénovation, « menée par des architectes tangérois passionnés par l’histoire de leur ville », sous la supervision d’Oumkeltoum El Ouazzani. « Nous rafraîchissons la façade du cinéma et son enseigne métallique iconique à l’identique », détaille Pierre-François Bernet, « et nous conservons tout le marbre, qui donne tout son charme au cinéma : nous en avons même rajouté ».
À l’exception de l’équipement cinéma (fauteuils et projection), en provenance d’Europe, « l’ensemble de nos prestataires pour le gros œuvre, le revêtement et les finitions sont marocains », indique le directeur du circuit, à qui le permis de construire n’a été délivré qu’en décembre 2021… pour une demande effectuée début 2020. « La crise sanitaire est évidemment passée par là, avec son lot de complications financières, la mise à l’arrêt des institutions et la crise de la fréquentation. » Mais depuis la réouverture des cinémas au Maroc en 2022 et la reprise globale de la fréquentation – dont le succès retentissant de Barbie, que CinéAtlas a distribué dans le Royaume –, la holding a repris des couleurs et a pu réinvestir dans son projet tangérois, dont le chantier a redémarré en septembre 2023.
Ainsi, le budget total du CinéAtlas Tanger Mauritania, dont l’ouverture est désormais prévue pour le printemps 2024, s’élève à 20 millions de dirhams [près d’1,9 M€], financé entre fonds propres, crédit auprès d’une banque française, et des subventions du Centre cinématographique marocain, à hauteur de 2,8 M de dirhams [260 000 €]. À terme, le cinéma, d’une superficie de près de 1 000 m² au sol, sera également financé par le restaurant de gastronomie française qui lui sera adossé, et par le club de jazz, prévu au troisième et dernier étage du complexe, à la place de l’immense cabine de projection. « La tradition du jazz au Maroc, et précisément à Tanger, est longue », notamment du fait de sa localisation géographique à l’antipode des États-Unis, de l’autre côté de l’Atlantique. « Chaque année se tient ici le festival Tanjazz, et pour l’anecdote, le pianiste et compositeur américain Randy Weston se produisait chaque fois… au Mauritania. Dans notre volonté de valoriser le patrimoine de cet édifice et de tout Tanger, il nous est paru comme une évidence d’ouvrir un jazz club ici même. »
De quoi également influencer la programmation du cinéma, « qui fera la part belle aux événements festifs et au cinéma de patrimoine, en plus des sorties nationales ». Le Mauritania « sera indéniablement le plus arthouse et vintage des CinéAtlas », indique son exploitant, dans une métropole de 2 millions d’habitants où l’offre cinématographique est relativement riche : il s’additionnera ainsi à la Cinémathèque de Tanger, au récemment rénové Cine Alcazar, et aux deux Megarama. Tous se rejoignent par ailleurs sur l’importance des films espagnols dans leur programmation, Pierre-François Bernet confirmant « la nécessité, d’ici notre ouverture, d’être fourni en versions espagnoles des blockbusters ».
En attendant, le circuit fête en ce mois d’octobre le premier anniversaire de son site d’El Jadida (au sud de Casablanca), dont les trois salles ont totalisé quelque 53 000 entrées. « Le public jadidien est complètement différent de celui des grandes villes. Il est plus friand de films marocains et arabes, à l’image de la comédie Trente Melyoun, qui continue de drainer du monde bien qu’elle soit sortie en février 2020. Les gros blockbusters fonctionnent bien également, comme Avatar, Barbie et Oppenheimer, mais les propositions plus auteur, même les séances événementielles organisées par l’Institut français, rencontrent moins de succès. » Comme il y a un an, l’objectif reste d’acquérir plus de notoriété dans la ville de 220 000 habitants, « notamment auprès des nombreuses universités. Nous réfléchissons à des partenariats avec leurs bureaux des étudiants, nous travaillons ensemble pour identifier les freins à la fréquentation, comme la problématique des transports », explique Pierre-François Bernet, qui espère y « fidéliser le public comme dans notre cinéma de Rabat », le CinéAtlas Colisée.
Enfin, le circuit s’apprête également à reprendre les travaux de son nouveau cinéma de Casablanca, situé au sein du centre commercial Anfa Mall, pour une ouverture espérée entre mai et juin 2024. Et pour propulser ses deux prochains sites, l’exploitant-distributeur compte bien s’appuyer sur la sortie de Dune : Deuxième Partie, en mars, dont il est le distributeur marocain : « Warner nous a fait confiance tout le long, et ça a payé. Nous réfléchissons déjà à son lancement, en espérant en dévoiler davantage dans les semaines à venir. »
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