Depuis presque dix ans, d’importants travaux ont été menés au sein du complexe parisien, avec en point d’orgue la rénovation intégrale de la façade, qui retrouve aujourd’hui son aspect d’origine.
L’émotion était palpable le 8 décembre aux abords du boulevard Poissonnière où, pour la première fois depuis deux ans, Le Grand Rex a rallumé sa façade, révélant les transformations majeures opérées ces derniers mois. Spectateurs fidèles et professionnels du cinéma avaient répondu à l’invitation d’Alexandre Hellmann, le maître des lieux, pour célébrer la cure de jouvence de ce mythique cinéma, qui soufflait par la même occasion ses 90 ans avec la projection en avant-première de The Fabelmans, inspiré de la jeunesse d’un des plus grands cinéastes contemporains Steven Spielberg. Tout un symbole pour ce temple du septième art, qui renoue lui aussi avec son passé.
Cette rénovation d’ampleur n’était pourtant pas le plan initial. « Le dernier ravalement de façade remontait à 2009, avec l’installation des écrans numériques ; après une décennie, il était devenu nécessaire de la remettre à nouveau en état », explique Alexandre Hellmann, patron du Grand Rex depuis 2010, l’idée étant également d’assurer l’étanchéité déficiente des toitures. À l’hiver 2020/2021, un immense échafaudage est installé, habillant l’intégralité du cinéma, et recouvert d’une bâche afin de protéger les passants des potentiels débris. Mais, fait important, le classement aux Monuments historiques implique de travailler avec des architectes des Bâtiments de France, en l’occurrence Grichka Martinetti et Stéphane Thomasson. « Sans me prévenir, le tandem monte un dossier pour me motiver à revenir à la façade d’origine, arguant notamment que le coût pourrait être pris en charge en permettant à des marques d’utiliser la bâche pour de la publicité, avec le concours de Gary Blumenfeld, de la régie Métropole. J’ai été convaincu. »
Retour vers le futur
En janvier 2021, commence officiellement la réfection de la façade, avec une phase de scintigraphies, afin d’analyser les différentes strates du bâtiment, qui ont révélé que la couleur rouge, historiquement associée au Grand Rex, n’était pas d’origine. À sa création, la façade affichait des tons crème, avec des touches de noir et de vert wagon ; une allure qu’elle retrouve notamment grâce à un enduit minéral mat, le Minerstyl poncé. Dans la tour, les bandes en staff, encore récemment argentées, ont renoué avec leur aspect doré d’origine via une peinture réfléchissante. S’il s’est imposé dans l’esprit public comme marqueur de l’identité du Grand Rex, le rouge ne disparaît pas complètement, présent sous la marquise qui surmonte l’entrée, afin d’y souligner l’éclairage.
Un travail colossal a d’ailleurs été réalisé sur la lumière, entre l’enseigne rotative, qui retrouve sa place sur le toit, et la marquise et l’enseigne drapeau, garnies de plus de 3 000 ampoules Led type Edison, renforçant le côté rétro de l’ensemble. À noter que ces luminaires seront éteints lorsque le cinéma sera fermé, afin de respecter les normes écologiques de la Ville de Paris. Finalement, moyennant un investissement massif de quelque 3 millions d’euros (principalement pris en charge par la publicité), la façade ressemble à 95 % à celle d’origine, les écrans numériques apportant la touche de modernité à un bâtiment pour lequel Alexandre Hellmann porte de grandes ambitions, comme il l’expliquait en janvier dernier dans L’Émission Boxoffice Pro : « Il faut que Le Grand Rex soit un monument emblématique pour les Français. Comme la Tour Eiffel ou le Louvre, je rêve qu’une marque utilise le cinéma pour une pub ! »
À l’intérieur, les travaux ont, eux, débuté en 2015, avec le changement du bar accolé à l’orchestre et des escalators, restés les mêmes depuis leur installation… en 1957 ! Par la suite, les bars en mezzanine et au balcon ont également été remplacés tandis que tous les espaces publicitaires (bâche, format 4×3) ont été enlevés afin de remettre en avant la décoration des lieux, qui a, elle aussi, bénéficié d’un lifting. Du marbre a été reposé au sol, toutes les fresques ont été rénovées, une mosaïque de 8 mètres habille désormais l’orchestre tandis que le balcon est égayé par des lustres en verre de Murano. Enfin, le hall abrite dorénavant de nouveaux arbres, un dôme en feuilles dorées, et retrouve son kiosque-caisse, reconstitué comme à l’origine. Au total, entre 7 et 8 millions d’euros ont été déboursés pour concrétiser cette rénovation, intérieure et extérieure, d’ampleur.
Premium made in Grand Rex
Si la grande a conservé son identité “atmosphérique” – et son statut de plus grande salle de cinéma du monde – et bénéficié, à la marge, de quelques rénovations (peinture des sols, moquettes, nouveaux strapontins), cinq des six autres salles du Grand Rex se sont aussi refait une beauté ces dernières années. Leur configuration empêchant de modifier la taille des écrans, elles ont toutefois relevé le confort des sièges, basculé en son 7.1 et radicalement changé d’identité. Ainsi, la salle 3 (238 places), rebaptisée “Gotham”, est plongée dans une ambiance mixant le noir et le doré, la 4 (122 fauteuils) est rouge, la 5 est verte et renommée “Matrix”, la 6 s’affiche en rose via le nom “Love”, avec une capacité réduite (78 places), tandis que la 7 (109 sièges), drapée d’un bleu roi, est devenue “Tron”. Plongée dans une ambiance céleste avec un plafond étoilé et dotée de 500 fauteuils, la salle 2 va, quant à elle, être rénovée à partir de l’été prochain. « Épaulés par le cabinet ABP Architectes [qui a notamment équipé la première salle Ice, ndlr.], nous allons réduire la capacité de la salle à 300 places avec l’idée d’y installer un concept premium “Grand Rex” », révèle Alexandre Hellmann, gardant secrets les détails de cette entreprise.
Le patron du cinéma planche par ailleurs sur deux autres projets. D’une part, l’idée de transformer la grande salle, et notamment l’orchestre, pour pouvoir accueillir 4 000 personnes pour des concerts debout. D’autre part, le rêve, un peu fou (l’effet Grand Rex sur ses propriétaires ?), d’aménager un restaurant sur la grande terrasse. De nouvelles preuves que, tout en restant attaché à son histoire, l’établissement poursuit sa quête d’innovation, afin de faire honneur à son statut d’un lieu qui dépasse le cinéma.
Focus complet sur les 90 ans du Grand Rex à retrouver dans le Boxoffice Pro du 14 décembre 2022.
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